Lors de sa première audition à l’Assemblée nationale en tant que chef d’état-major des armées (CEMA), le général Fabien Mandon a fixé une priorité claire : les armées françaises doivent « se tenir prêtes » à un éventuel choc dans les trois ou quatre ans à venir. Un avertissement qui intervient dans un contexte international tendu, marqué par la guerre en Ukraine et la menace persistante de la Russie.
La Russie, une menace directe pour la stabilité européenne
Face aux députés, le général Mandon a longuement évoqué les risques posés par la Russie, « un pays qui pourrait être tenté de poursuivre la guerre sur notre continent » une fois la paix conclue avec l’Ukraine. Cette perspective pousse la France à envisager un engagement militaire majeur à l’Est de l’Europe.
La Direction générale de la Gendarmerie nationale (DGGN) se prépare également à cette éventualité. Son directeur, le général Hubert Bonneau, a rappelé devant la commission de la Défense, le 16 octobre dernier, que la gendarmerie joue un rôle clé dans la Défense opérationnelle du territoire (DOT). « En tant que force armée, nous avons un rôle primordial pour la préservation des intérêts fondamentaux du pays et la défense opérationnelle du territoire, aux côtés des armées », a-t-il affirmé.
La Gendarmerie nationale en première ligne sur le territoire
Devant le Sénat, le général Bonneau a précisé la vision de la DGGN. Si, aujourd’hui, la gendarmerie bénéficie du soutien des armées pour certaines missions (comme en Nouvelle-Calédonie ou à Mayotte), ce rapport pourrait s’inverser en cas d’engagement militaire massif à l’étranger. « Dans l’hypothèse d’un conflit majeur à l’Est, il y aura forcément des répercussions sur le territoire national », a-t-il averti.
Selon lui, la France pourrait faire face à des actions de sabotage, de désinformation ou de manifestations coordonnées par des groupes dits “proxies”, potentiellement manipulés par des puissances étrangères. Ces tensions internes pourraient apparaître avant même un engagement militaire, notamment si la France devait servir de base logistique pour l’Otan et accueillir des équipements sensibles.
Dans ce contexte, la Gendarmerie nationale devra « couvrir le territoire de moyens » afin d’assurer la sécurité et la stabilité intérieure. « Durant la phase de montée en puissance, nous serons en première ligne. Des actions, des manifestations ou des actes de sabotage sont à anticiper. Nous devons nous y préparer dès maintenant », a conclu le général Bonneau.
Un besoin urgent de modernisation et de moyens
Cette préparation implique également un renforcement matériel important. Le général Bonneau a souligné la nécessité de remplacer 22 000 fusils d’assaut, pour un coût estimé à 110 millions d’euros. Plus largement, la gendarmerie prévoit un budget total de 800 millions d’euros pour renouveler ses équipements militaires : armes tactiques, dispositifs de vision nocturne et équipements adaptés à la sécurité intérieure.
Ces outils permettront de faire face à une menace multiforme, qui ne se limite plus aux attaques extérieures. La Gendarmerie devra aussi contrer les actions de groupuscules radicaux ou antimilitaristes, parfois instrumentalisés par des puissances étrangères. Déjà, le général Philippe Susnjara, alors à la tête de la Direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD), alertait sur ces risques de convergence entre mouvances radicales et manipulations étrangères, ciblant notamment les entreprises du secteur de la défense.
Ces menaces internes et externes confirment l’importance d’une stratégie de défense globale, mêlant armées, renseignement et forces de sécurité intérieure. Pour le général Mandon comme pour le général Bonneau, la préparation du pays à un « choc majeur » n’est plus une hypothèse théorique, mais une nécessité stratégique.