La gestion des déchets radioactifs ne date pas d’hier. Dès la fin des années 1940, avec les premières activités nucléaires, une question cruciale s’est posée : où stocker ces résidus hautement dangereux ?
À l’époque, la solution semblait évidente. Les grandes profondeurs océaniques, situées à plus de 4 000 mètres sous la surface et à des centaines de kilomètres des côtes, étaient vues comme des zones désertes, dépourvues de vie et donc sans risque pour l’homme.
Entre 1946 et 1990, plus de 200 000 fûts contenant des déchets radioactifs ont été immergés dans l’Atlantique. Pour tenter de garantir leur sécurité, ils étaient enrobés de bitume et de ciment. Mais au fil du temps, les certitudes ont laissé place aux inquiétudes. De nombreuses voix se sont élevées sur la réelle étanchéité de ces conteneurs et sur les rejets radioactifs potentiels dans un milieu beaucoup plus riche et fragile qu’on ne l’imaginait.
C’est dans ce contexte que la Convention de Londres a finalement interdit cette pratique en 1990, marquant la fin d’un chapitre controversé de l’histoire nucléaire mondiale. Pourtant, les fûts immergés sont toujours au fond des océans, soulevant encore aujourd’hui des questions sur leur impact réel.
Cartographier avec précision la zone d’immersion des fûts
Trente-cinq ans après l’arrêt des immersions, les conséquences exactes sur les écosystèmes profonds demeurent incertaines. Personne ne sait vraiment à quel point les fûts tiennent encore leur rôle de barrière, ni quel est le niveau actuel de risque radiologique. Contrairement à d’autres formes de déchets, ils n’ont jamais été récupérés.
Pour lever ces zones d’ombre, une mission scientifique interdisciplinaire est prévue cet été. Son objectif : mieux comprendre ce qui se passe au cœur de cette immense zone abyssale. Les chercheurs souhaitent prélever des échantillons de sédiments, d’eau et d’organismes marins directement autour des sites d’immersion. Mais avant même de collecter ces données, il faut d’abord savoir exactement où se trouvent les fûts.
C’est là qu’intervient une première étape cruciale : la cartographie détaillée de la zone. Selon Futura-Sciences, près de 6 000 km² de plaines abyssales seront explorés grâce à des technologies de pointe. Un sonar de très haute résolution permettra de dresser des images précises du fond marin. En complément, le sous-marin autonome UlyX, l’un des rares engins capables de descendre à de telles profondeurs, sera mobilisé pour localiser les fûts et analyser leur état.
Ce projet ambitieux, baptisé Nodssum, rassemble le CNRS, l’Ifremer et la flotte océanographique française. Il marque le début d’une nouvelle phase de recherche : après la cartographie, une seconde mission plus approfondie viendra étudier directement l’environnement proche des barils. L’enjeu est majeur : mesurer enfin l’impact réel de ces déchets radioactifs sur la biodiversité marine et sur les équilibres de ces zones encore largement inexplorées.
une histoire inachevée sous les océans
La page des immersions nucléaires est tournée depuis plus de trois décennies, mais leurs traces demeurent. Les fûts radioactifs reposent toujours au fond de l’Atlantique, silencieux mais inquiétants. Leur état de dégradation, la dispersion éventuelle des substances et les effets à long terme sur les écosystèmes restent des inconnues que la science cherche à combler.
Le projet Nodssum et les futures missions associées rappellent une vérité simple : ce que l’on a cru pouvoir « oublier » dans les abysses revient tôt ou tard au centre des préoccupations. Comprendre, cartographier et surveiller ces zones n’est pas seulement un défi scientifique, mais aussi une nécessité pour garantir la sécurité environnementale et répondre aux responsabilités héritées du passé.